Layla M
Layla M est un film néerlandais, qui retrace le parcours d’une adolescente, qui se laisse embrigader dans l’islam radical. Attention : cette chronique révèle des passages clefs de l’intrigue.
Sommaire
Le scénario de Layla M
Layla est une adolescente de terminale, bonne élève et bien dans ses baskets. Mais, ulcérée par les discours racistes et dopée par un entourage qui ne lui veut pas du bien, elle se laisse embarquer dans un islam très radical.
Ses parents, originaires du Maroc et pas franchement religieux, ne comprennent pas réellement le basculement de leur fille, qui ne leur récite plus que des sourates du Coran. Layla finit par se « marier » avec Abdel, un autre jeune de son cercle.
Ils s’enfuient d’abord en Belgique, puis dans un pays du Moyen-Orient, proche de la frontière syrienne. Il semblerait que cela soit la Jordanie, mais cela n’est pas certain. Sur place, Layla va découvrir ce que signifie vivre sous la coupe de religieux.
10 ans déjà
Charlie, c’était il y a dix ans et ce sera aussi le sinistre anniversaire des attentats du 13 novembre. C’est à ce moment-là que l’Europe a découvert que des jeunes, des adolescents avaient des aspirations morbides. En 2015, on dénombrait 1500 Français qui avaient rejoint les zones contrôlées par l’État islamique.
L’un des atouts de ce film est qu’il sort des clichés qu’on a pu avoir. S’il est vrai qu’une partie de cette jeunesse, qu’on a perdue, était en rupture — familiale, scolaire, économique, sociale — ce n’était pas pour autant une vérité absolue. Une part non négligeable des Français partis combattre aux côtés d’une organisation terroriste étaient des jeunes tout à fait intégrés, sans difficulté.
La réalisatrice du film a expliqué s’être inspirée de plusieurs personnes pour construire le personnage de Layla et en faire une personne qui ne soit pas caricaturale. C’est une bonne élève, ses parents l’aiment, elle a des amis, elle veut faire médecine, la famille n’a pas de difficulté financière. Si elle se marie, c’est parce qu’elle cherche quelque chose, qu’elle croit trouver dans une forme radicale de la religion. Ça tombe sur Abdel, mais cela aurait pu être n’importe qui d’autre.
Un film plus fin qu’il n’y paraît
Si vous vous fiez aux commentaires laissés sur Google au sujet du film, vous pouvez avoir l’impression qu’il s’agit d’un film raciste, qui entend englober l’ensemble des croyants de confession musulmane dans un schéma radical. Ce n’est pas le cas.
Layla s’intéresse à la religion, mais elle n’a pas réellement de contre-discours à la maison. Ses parents ne sont pas du tout pratiquants, donc ils n’ont pas forcément les armes pour lui répondre quand elle débite les sourates, sans vraiment les comprendre. Quant à ses amies, elles ne sont pas non plus versées dans la religion.
C’est finalement en arrivant au Moyen-Orient, en voyant qu’Abdel a rompu sa promesse d’égalité, en constatant qu’elle ne peut pas sortir comme elle le souhaite, bref, qu’elle n’est tout simplement pas libre, qu’elle comprend dans quel piège elle est tombée. La dénonciation du film porte bien sur l’emprise sectaire opérée par un courant religieux extrémiste et pas sur autre chose.
Désillusion
Dès le lendemain du « mariage » — on utilise les guillemets, car, il ne s’agit pas d’un mariage officiel, mais d’un mariage religieux, sans valeur légale — Abdel change. Il est rude avec Layla, lui parle très durement, ne l’informe de rien.
Dès qu’ils arrivent au Moyen-Orient, il lui fait comprendre que c’est lui qui décide et qu’elle n’a pas son mot à dire et qu’au-dessus, il y a un chef. Abdel est faible, il ne conteste absolument rien, même quand il va mourir dans un attentat-suicide. La scène n’est pas montrée : il rentre chez lui sans sa barbe et Layla comprend qu’il est prochain.
À la fin du film, on ne sait pas bien comment, Layla prend l’avion pour rentrer aux Pays-Bas. C’est le seul point faible du scénario. Elle est accueillie par la police et interrogée. Le policier est assez dur avec elle et lui dit qu’il est trop tard pour pleurer. Dans les larmes de Layla, on peut voir la peine d’avoir perdu son mari, mais aussi, la peine qu’elle éprouve pour elle, pour sa naïveté, pour son innocence perdue.
On peut dire ce qu’on veut, mais, ce phénomène des jeunes qui partaient combattre auprès des groupes terroristes, on a commencé à en parler avec la vague d’attentats qui a secoué l’Europe. Aujourd’hui, on a la matière pour faire de la prévention. On en avait beaucoup moins à l’époque.
Le verdict
On a du mal à se dire que dix ans se sont écoulés. À la fin du film, on se pose une seule question : est-ce que ça peut encore arriver ? On a voté énormément de lois qui ont trait à la sécurité intérieure, à la surveillance, aux démantèlements des filières. Mais, est-ce qu’on a continué ce travail de prévention ?
Un des points abordés dans le film est le discours raciste, qui pousse à la radicalisation. En France, certaines voix à gauche ont expliqué qu’on ne combattait pas les discours radicaux par des attitudes excluantes. Pour les plus chanceux, ils ont été taxés de naïfs. Sauf que la propagande des groupes terroristes, récupérée par des confrères journalistes et des agents, a mis en évidence que dès qu’un politique avait un discours raciste, cela servait de carburants pour « recruter » de nouveaux membres.
Le jeu des acteurs est assez juste et ne paraît pas caricatural. Ils sont convaincants et si on met de côté une bande sonore un peu crispante, à cause d’un grésillement continu, le film est bon. Il n’est pas sans rappeler Kalifat, une série suédoise, qui traite plus ou moins du même sujet et dont la fin était traumatisante.
Vous pouvez retrouver Layla M sur Netflix. Il n’est disponible qu’en version originale, sous-titrée en français.