Miss Governor
Miss Governor est une série Netflix, mettant en scène une femme politique afro-américaine dans l’état du Mississippi. Ce n’est pas ce que Netflix a produit de mieux.
Sommaire
Le scénario de Miss Governor
Brillante avocate et anciennement conseillère municipale, Antoinette Dunkerson se présente au poste de lieutenant-gouverneur dans l’état du Mississippi. En dépit d’une campagne assez catastrophique, grâce à sa fille, elle déjoue les pronostics et parvient à être élue.
Les désillusions arrivent très vite : elle doit déménager, sa famille doit changer ses habitudes, le gouverneur lui impose son équipe et son agenda.
Après avoir fait le tour des marchés aux bestiaux et servi de pot de fleurs dans différentes réunions, elle se rebelle enfin contre le gouverneur Harper et tente d’exister.
Le poste de lieutenant-gouverneur, une spécificité des États de l’ancien Empire britannique
Pour comprendre pourquoi la série ne fonctionne pas, il faut comprendre le rôle du lieutenant-gouverneur. C’est une fonction exécutive qui n’existe que dans les États de l’ancien Empire britannique. Aux États-Unis, tous les états n’ont pas gardé cette fonction et son rôle dépend justement de ces derniers.
Dans le cas qui nous intéresse, à savoir le Mississippi, le lieutenant-gouverneur cumule deux pouvoirs : le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Pour faire une analogie avec le paysage politique français, c’est comme si un ministre votait ses propres textes et présidait les séances. En effet, le lieutenant-gouverneur préside d’office le Sénat de l’état.
Il décide aussi des comités, il peut renvoyer des projets de loi ou soutenir les textes qui lui conviennent. Enfin, en cas d’empêchement du gouverneur, c’est lui qui assure l’intérim. Dans cet état, comme d’autres dix-neuf autres, le gouverneur et le lieutenant-gouverneur sont élus séparément, ce qui fait qu’ils peuvent parfaitement avoir une couleur politique différente. Toujours en transposant dans le paysage français, cela reviendrait à une cohabitation, non seulement au niveau exécutif, mais, également au niveau législatif.
Une lieutenant-gouverneur pot de fleurs
Le drame quand votre métier est de suivre la politique est que vous savez pertinemment ce qu’implique un mandat électif. Ce n’est pas qu’on n’aime pas Antoinette Dunkerson, c’est juste qu’on se demande ce qu’elle fait là.
Elle subit en permanence les évènements. Le gouverneur lui impose son équipe ? Elle ne proteste pas ou à peine. On lui astreint son agenda ? Elle s’y rend avec le sourire. Et lorsque au cours d’une conférence de presse durant laquelle l’expression cacophonie exécutive prend tout son sens — et n’est pas sans rappeler celle du Gouvernement Bayrou — elle est si mauvaise qu’on en a honte pour elle. On a aussi honte pour les journalistes qui posent des questions tellement stupides, qu’on se demande même si cela ne se déroule pas en France.
Elle ne fait que claironner qu’elle veut aider sa communauté, mais on ne sait jamais quels sont les problèmes de la communauté en question : l’emploi ? La sécurité ? La santé ? L’environnement ? Autre chose ? On a un flou artistique, qui ne va pas du tout avec le thème de la série. Depuis House of Cards, qui est probablement l’une des séries politiques les plus brillantes de sa génération, on attend beaucoup plus et on est déçu par Miss Governor.
Un humour qui tombe à plat
Antoinette Dunkerson a deux enfants : une fille adolescente, qui fait des bêtises d’adolescente et un garçon, lui aussi adolescent, plus timide et plus sage. Niveau cliché, on ne fait pas mieux. À côté, il y a sa cousine Shamika, qui fait office de chef de cabinet, le petit ami de cette dernière, qui sert de chauffeur et enfin, la mère-tante, Cleo Dunkerson.
Tous les personnages sont stéréotypés et surtout, on a déjà vu une telle composition : dans la famille Upshaw, qui est mille fois plus drôle et mieux écrit. Cleo n’est pas sans rappeler la mère de Bennie Upshaw. Shamika fait penser à Tasha.
Quant aux gags, au mieux, ils tombent à plat, au pire, on les trouve racistes. La maison dans laquelle Antoinette doit s’installer est une résidence principale, avec des décorations datant de la guerre de Sécession. Dans la mesure où l’action se passe dans le sud des États-Unis, vous avez compris que tout était floqué d’un drapeau conféré. Cela n’a rien de drôle et certainement pas en 2025. Demander à une Afro-américaine de s’installer dans une ancienne plantation n’est pas de l’humour, c’est profondément injurieux.
Le verdict
La série a été créée par Tyler Perry, qui a aussi créé le film Madea : mariage exotique. Que ce soit ce film ou Miss Governor, on ne sourit pas une seule fois en réalité. Politiquement, cela ne tient pas du tout la route et les scènes comiques sont tellement étirées qu’on oublie quand on est supposé rire.
Autre absurdité : Antoinette Dunkerson est une femme, qui a dépassé la quarantaine, pourvue de deux enfants, bientôt en âge d’entrer à la faculté et divorcée. Il faut arrêter de l’appeler mademoiselle ou jeune fille. C’est une femme, pas une gamine qu’on a sortie de son pensionnat et on aimerait qu’elle se comporte comme une femme adulte et non comme une Miss d’un concours de beauté.
Enfin, que dire de la description Netflix « un patron coincé dans le passé » alors que légalement, le gouverneur n’est pas du tout le patron du lieutenant-gouverneur, suivi de « cette politicienne néophyte » ? La série indique qu’elle a déjà eu un mandat de conseillère municipale, elle n’est plus une débutante même si on souhaiterait qu’elle se comporte comme une véritable titulaire d’un mandat local.
La première partie de la série est disponible sur Netflix. La seconde partie débutera le 14 août 2025. Vous pouvez tenter si cela vous intéresse, mais on avoue qu’on avait hâte d’arriver à la fin de la première partie. Il n’est pas dit qu’on pousse le vice jusqu’à regarder la seconde partie.