Gangster

Sur écoute (The Wire)

Création HBO du début des années 2000, Sur écoute est une série qui a plutôt bien vieilli, même si on ne peut plus encadrer les personnages. Attention : cette chronique révèle des éléments-clefs de l’intrigue.

Le scénario de Sur écoute

La série s’ouvre sur une équipe de policiers de la ville de Baltimore, peu de temps après les attentats du 11 septembre, qui font la chasse aux dealers et aux trafiquants. McNutly est un flic qui n’écoute personne, à commencer par ses chefs, qui ne rêve que d’une chose : coincer Stringer Bell.

Le fameux Stringer Bell est le chef du réseau de la drogue à Baltimore et a organisé son trafic de manière très fine et très professionnelle. Il est donc difficile à attraper.

Mais, un joueur va quand même venir perturber tout cela : Omar Little, un genre de Robin des Bois de la drogue, qui vole les dealers pour distribuer la drogue gratuitement et garder l’argent. McNutly est aidé par d’autres policiers, dont Kima Greggs.

Chaque saison s’ouvre sur un élément précis de la lutte contre la drogue et nous fait arriver au même constat : la lutte contre la drogue ne peut pas se baser que sur du répressif.

Rien n’a changé

On l’avoue, on ne l’a pas fait exprès, mais il y a des coïncidences amusantes ou des actes manqués. Le visionnage (ou plutôt son revisionnage) de la série a eu lieu en même temps que les débats à l’Assemblée nationale de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. On admet volontiers que Sur écoute n’est pas une série documentaire et qu’il s’est passé vingt ans depuis.

Sauf que les choses n’ont pas fondamentalement changé. La série nous montre des policiers qui font avec les moyens techniques et juridiques du bord, avec une certaine ingéniosité dans la dernière saison, mais, soit l’intendance ne suit pas — le FBI préfère consacrer ses ressources à la lutte contre le terrorisme — soit les dealers s’adaptent.

Malheureusement, peu importe le domaine, les criminels auront toujours un temps d’avance sur les policiers et les magistrats, tout simplement parce que les premiers sont mieux équipés, mieux informés et qu’ils ont plus de moyens financiers. On le voit plutôt bien dans la dernière saison.

Le répressif seul ne suffit pas : il y a des questionnements à avoir sur l’urbanisme, les infrastructures, sur la politique sociale et aussi, sur la prise en charge des toxicomanes, qui sont aussi des personnes malades.

Bubbles et Omar : les meilleurs personnages

On a du mal à s’attacher aux personnages adultes, surtout les policiers, non pas parce qu’ils sont policiers, mais, car ils sont grossiers, alcooliques, libidineux et totalement déconnectés du monde autour d’eux. On a beaucoup de mal avec Landsman qui a toujours un magazine porno ouvert devant lui.

Néanmoins, deux personnages sortent réellement du lot, puisque interprétés par deux grands acteurs. Le premier est Bubbles. Il est toxicomane depuis très longtemps. Il va devenir indic pour Greggs, qui va se lier d’amitié sincère avec lui. Ce n’est pas un méchant et il est protecteur avec ses amis de galère. Quand on a vu la prestation d’Andre Royo dans Empire et celle qu’il effectue dans Sur écoute, on est vraiment impressionné.

L’autre grand acteur de la série est évidemment Michael K. Williams qui interprète Omar Little et qu’on avait vu dans Boardwalk Empire. Omar est un méchant avec les méchants. Il s’en prend aux dealers, mais jamais aux enfants, même quand les enfants sont embrigadés dans le trafic. Il les vole pour l’offrir aux toxicomanes et se remplit les poches avec leur argent. On aime ce côté Robin des Bois, qui n’a peur de rien et on salue d’autant plus la performance qu’il joue un malfrat afro-américain, ouvertement homosexuel dans un ghetto.

Les autres personnages attachants sont les enfants de la saison quatre. Ils ont chacun des trajectoires très différentes, qui font qu’ils se retrouvent dans la rue à dealer. L’un d’entre eux est carrément mis à un point de deal par sa mère, un autre est exploité par sa famille, le troisième doit gérer sa mère toxicomane et le dernier, qui s’en sortira le mieux, est celui qui se cherche et sera sauvé.

C’est très compliqué en France en ce moment de parler sereinement de ce sujet, mais le fait est que ces gamins, que ce soit dans la série ou dans la vraie vie, ne deviennent pas dealers par hasard. Il y a un écosystème qui les pousse dedans. Sur ce point, la série est assez intelligente.

Le verdict

Est-il encore pertinent de regarder Sur écoute alors que la série s’est achevée en 2008 ? Oui, déjà pour ne pas mourir idiot. Le rythme est un peu lent, il faut quand même s’accrocher un peu. La meilleure saison est la quatrième, celle qui met en scène les enfants.

La dernière saison est aussi intéressante, car elle montre certaines ambigüités dans la lutte contre le trafic de stupéfiants. Par ailleurs, elle parle aussi des médias et de la recherche constante du scoop, dictée par des impératifs économiques.

Aussi curieux que cela puisse paraître, la troisième saison qui s’intéresse aux connexions entre les politiques et les dealers est la moins intéressante. Peut-être parce que les thématiques abordées sont purement américaines, avec des considérations qui sont réellement propres aux exécutifs locaux (comprendre les maires) américains. En fait, c’est l’autre thématique de la saison 3 qui est intéressante et la question soulevée est toujours d’actualité.

Vous pouvez trouver Sur écoute (The Wire) en intégralité sur Max ainsi qu’en DVD.