American History X
American History X est peut-être l’un des films les plus percutants sur le racisme qui a été fait. Attention : cette chronique révèle des éléments-clefs de l’intrigue.
Sommaire
Le scénario d’American History X
L’histoire commence le jour de la sortie de prison de Derek. Condamné à trois ans de prison pour un homicide, il rentre chez lui pour découvrir que son frère Danny a pris le même chemin que lui : celui des suprématistes blancs.
Avant son entrée en prison, Derek fréquentait une troupe de néonazis de Venice Beach. Perfusé à la haine et au racisme depuis bien trop longtemps, un soir où trois jeunes afro-américains tentent de voler sa voiture, ils les tuent brutalement.
Arrivé en prison, il se rend compte que tout ce qu’il a cru savoir n’était que des foutaises et son urgence va être de sortir Danny de l’emprise sectaire de Cameron Alexander, le chef de ce groupuscule néonazi.
Un film basé sur une histoire vraie
C’est un fait assez peu connu : American History X est partiellement basé sur une histoire vraie, celle de Frank Meeink. Frank Meeink rejoint un groupuscule néonazi à l’âge 13 ans. À l’école, il était brimé et à la maison, le foyer n’était pas stable : le père biologique était parti, le beau-père était violent et la mère consommait de l’alcool et des stupéfiants. Frank s’est tourné vers un groupe qui voulait bien de lui, si on veut faire un raccourci.
À l’âge de 17 ans, il est arrêté pour tentative d’homicide et kidnapping de militants antifascistes et avait filmé l’ensemble de ses exactions. Il sera jugé comme un adulte, mais ne fera que trois ans de détention. En prison, il passera outre sa haine, recevant plus de soutiens de la part des détenus afro-américains que de la part des skinheads.
À sa sortie de prison, il change de vie et après plusieurs années d’errance, il apprendra qu’il a des origines juives ashkénazes. Depuis, il suit strictement les rituels de la religion juive, manger casher, fait le shabbat, étudie la Torah et donne des conférences.
Un changement de point de vue
Le cinéma américain est plein de films sur le racisme. Pourquoi American History X serait-il au-dessus du lot ? Parce qu’il raconte l’histoire du point de vue du raciste et comment il bascule. On raconte souvent l’histoire du point de vue des victimes de racisme, pour créer de l’empathie et quand le regard bascule sur les auteurs de racisme, la façon dont le film est tourné ou monté, vise à susciter du dégoût et du rejet.
American History X arrive à faire le contraire. On nous montre le chemin intellectuel et idéologique poursuivi par Derek puis par Danny, jusqu’au point final, qui est en fait l’origine. Leur père, décédé, leur a inculqué un discours raciste. Il n’était pas néonazi, contrairement à Cameron Alexander, mais, il tenait des propos suffisamment explicites pour que cela fasse son chemin dans leur tête.
Quand le père est assassiné, Derek devient de facto le chef de famille, mais, c’est encore un adolescent, qui rencontre Cameron Alexander, un chef charismatique qui est suffisamment intelligent pour ne jamais se mouiller. C’est d’ailleurs l’une des difficultés des policiers : ils n’arrivent pas à le coincer, car, ils manquent d’éléments matériels.
Un film qui n’a pas vieilli
Quand le film est sorti, on pensait qu’on était sur la « queue de comète » du néonazisme. Les « vrais » nazis d’origine avaient disparu ou avaient un pied dans la tombe, on avait compris que le racisme et la haine ne menaient à rien, on était très naïf.
Dans le film, vous verrez des gens faire des saluts nazis. Depuis le retour de Trump à la Maison-Blanche, c’est quasiment devenu banal et ça donne mal au ventre. Les mots utilisés par les personnages, dans ce film de 1998, sont les mêmes que ceux utilisés aujourd’hui.
La différence ? En 1998, les gens qui tenaient ces propos avaient la décence de se cacher. Maintenant, ils sont sur YouTube, sur les chaînes d’information en continu, dans la presse nationale, proférés par des gens qui n’utilisent pas exactement les mêmes mots, mais qui ont le même message. Et ils sont invités partout. Ils n’ont plus besoin de se cacher. On a échoué.
Le verdict
American History X est probablement l’un des films les plus durs qui existent. Il n’y a rien de caché, de policé ou d’aseptisé. On est devant de la haine à l’état brut et pour peu qu’on soit un peu fatigué, l’effet est violent. Les scènes sont brutales, l’histoire en elle-même est difficile.
On peut se dire que l’arc narratif est facile : le néonazi remis sur le chemin de la raison par deux Afro-américains. Sauf qu’il faut voir au-delà de cela et que ce n’est pas aussi simple. Chez Derek, le déclic se fait grâce à une phrase de son ancien professeur « toute cette haine, qu’est-ce que ça t’a apporté ? Est-ce que ça t’a rendu plus heureux ? »
Il n’y a rien de plus simple que la haine. Il n’y a aucun effort à fournir pour haïr le pauvre, le riche, le blanc, le noir, le juif. C’est pour cela que les partis d’extrême-droite et les suprématistes prospèrent dans les classes défavorisées, aussi bien économiquement qu’intellectuellement. Désigner un bouc émissaire pour le rendre responsable de tous nos malheurs est vieux comme le monde et aussi simple que de respirer.
C’est arriver à aller contre soi, contre la facilité, contre son environnement qui est difficile. American History X le montre très bien. Le film n’est disponible qu’en DVD, mais l’acheter n’est pas une dépense superflue. Dernier avertissement : il est interdit aux moins de douze ans. Devant la brutalité de certaines scènes, on serait plutôt d’avis de le regarder à partir de seize ans, voire dix-huit ans, en fonction de la maturité du spectateur.