Adolescence
La minisérie Adolescence est en passe de devenir un phénomène de société. Attention : cette chronique révèle des éléments-clefs de l’intrigue.
Sommaire
Le scénario d’Adolescence
Nous sommes dans une tranquille petite bourgade d’Angleterre. Une équipe de policiers se rend chez les Miller pour appréhender Jamie, 13 ans, pour homicide. Ce dernier est accusé d’avoir tué assez violemment une camarade de classe, Katie.
Très rapidement, on se rend compte que Jamie et tous les adolescents de son école sont trop influencés par les réseaux sociaux, par des codes pour adultes et que ces derniers sont totalement déboussolés par ce qu’ils sont en train de découvrir.
Les quatre épisodes suivent tout à tour Jamie, les policiers, la psychologue et enfin, la famille de Jamie.
La question de la culpabilité rapidement évacuée
Durant les premières minutes, on ne croit pas du tout que Jamie, crevette de 13 ans qui s’urine dessus quand les policiers viennent le chercher, puisse avoir tué une camarade de classe. Mais, très rapidement, on voit une vidéo dans laquelle il lui assène plusieurs coups de couteau. Le doute n’est donc plus permis.
Au début de l’enquête, les policiers s’orientent vers le profil de la victime et on découvre que cette dernière n’était pas exactement une gentille camarade de classe. En fait, comme toutes les adolescentes, il s’agissait d’une peste, qui s’adonnait à un harcèlement numérique.
Les scénaristes ont évacué intelligemment le sujet, car, on arrive à une conclusion simple : même si Katie n’était pas sympa, elle ne méritait pas pour autant de se faire tuer, d’autant qu’elle-même était une victime de harcèlement numérique. En fait, les scénaristes ont rapidement évacué cet aspect pour se concentrer sur le reste.
Des flics un peu paumés
Les policiers, que l’on suit dans le deuxième épisode, sont un peu perdus et c’est grâce au fils de l’un d’entre eux que les fils commencent à se dénouer. Les adolescents utilisent des codes pour se parler qu’ils ne comprennent pas. Il y a une scène assez intéressante où l’un des adolescents explique à son père la signification précise de chaque émoticône.
Le point intéressant est la survenue d’Andrew Tate dans l’histoire. Cet influenceur particulièrement toxique faisait la promotion d’idées extrêmement misogynes, pour ne pas dire dangereuses. Il est poursuivi pour trafic d’êtres humains en Roumanie. Bien que nous soyons convaincus que ce soit une ordure, absolument coupable de tout ce qui lui est reproché, merci de noter qu’il est présumé innocent.
En fait, ce sinistre personnage qui n’aurait jamais dû sortir de sa détention provisoire a eu une influence malsaine sur des adolescents, qui sont par définition malléables. Quand on le voit sur une crevette comme Jamie, dont les traits ne sont pas sans rappeler ceux d’Ian Hermitage qui interprète Sheldon Cooper dans Young Sheldon, cela devient terrifiant.
« Je suis quelqu’un de bien »
Le troisième épisode, qui n’est pas exempt de quelques longueurs, suit l’entretien entre Jamie et une psychologue clinicienne. Jamie n’admet pas encore totalement ce qu’il a fait et surtout, il explique pourquoi il a approché Katie.
Physiquement, elle ne lui plaisait pas tant que ça en réalité. Mais, comme des photos d’elle, torse nu, avaient circulé dans toute l’école, Jamie s’est dit qu’il avait sa chance avec elle. Il conclut son explication en disant qu’après l’avoir tué, il ne l’avait pas violé et que ça fait donc de lui quelqu’un de bien.
Tout est dit avec une voix d’enfant, comme si Jamie racontait qu’il avait mangé le dernier biscuit dans la boîte à gâteaux et en cela, c’est assez glaçant.
Des gens bien
Le dernier épisode se focalise sur la famille Miller. Quand un enfant ou un adolescent commet un acte grave, on regarde toujours du côté des parents. Combien de fois, devant un fait-divers sordide impliquant des jeunes, n’avons-nous pas pensé « il doit se passer des trucs à la maison » ?
Dans certains cas, c’est vrai et les études montrent qu’un foyer criminogène ou instable peut conduire à la délinquance, voire à la criminalité. Mais, dans Adolescence, ce n’est pas le cas. Les Miller sont des gens bien. Ils travaillent, ils sont insérés, ils ne sont pas alcooliques. Le père est un peu bourru, mais rien qui justifie d’appeler les services sociaux.
Et pourtant, on voit qu’ils sont aussi victimes. Tous leurs voisins les regardent de travers, parlent derrière leur dos, les méprisent et on voit leur souffrance.
Le verdict
Adolescence est une bonne minisérie et on comprend qu’elle soit bien notée sur Netflix. Elle a quelques longueurs, qui nécessite de ne pas décrocher en cours de route. Assez curieusement, on ne s’intéresse quasiment pas à la victime, comme pour faire écho à l’une des phrases des policiers. Ce n’est pas dérangeant, car, les scénaristes ont voulu montrer comme des gens ordinaires peuvent basculer dans quelque chose qui les dépasse.
La performance des interprètes est assez brillante et on retrouve un acteur qu’on aime beaucoup : Stephen Graham, qui jouait le rôle d’Al Capone dans Boardwalk Empire et qu’on peut aussi apercevoir dans Peaky Blinders. Dans cette série, il est dans un autre registre, qui lui va très bien et dans lequel il est très convaincant.
La grande vertu de cette série est aussi de rappeler que les adolescents ne sont pas des êtres « finis ». Oui, pour certaines choses, ils peuvent avoir des comportements ou des réactions d’adultes, mais cela reste encore des enfants et il est très compliqué de savoir où mettre le curseur. Eddie Miller, le père de Jamie s’en veut de lui avoir installé un ordinateur dans sa chambre. Mais, comment faire autrement ? Et comment contrôler tout le temps ce qui circule sur les téléphones portables ? Comment protéger son enfant quand tous les copains sont déjà sur TikTok ou Instagram et que ça circule à l’école ?
Adolescence peut se regarder en une soirée, avec une impression dérangeante : celle de vous laisser sans réponse. Elle est disponible sur Netflix.