La nonne
Les précédents volets de Conjuring nous faisaient des appels du pied de la nonne, il était temps de découvrir celle qui est devenue une nouvelle icône du cinéma d’horreur. Attention : pour une fois, cette chronique ne révèle aucun élément-clef de l’intrigue.
Sommaire
Le scénario de la nonne
Dans une abbaye, nichée au fin fond de la Roumanie, une religieuse, qui paraît être poursuivie, se suicide.
Averti – on ne sait comment – le Vatican dépêche un prêtre catholique, le père Burke, pour enquêter sur ce suicide et lui assigne une novice : sœur Irene.
Cette dernière est une novice, qui n’a pas encore prononcé ses vœux et travaille dans un établissement londonien. Le père Burke et sœur Irène traverse l’Europe pour élucider ce mystère et font appel à Maurice, dit Frenchy pour les accompagner dans ce lieu de culte, loin de tout.
Une fois sur place, nos trois compères vont découvrir qu’il y a un peu plus que des prières et de l’encens dans ce lieu qui semble maudit.
Erreur historique
Il y a une incohérence historique dans la nonne, qui aurait pu être réglé en changeant simplement la date de l’histoire. Dans le film, les évènements dans l’abbaye de Saint-Carta commencent en 1952. Même si cela n’est pas dit, il s’agit d’un couvent catholique, ce que l’on déduit par la présence du Vatican au début du film et l’envoi d’un prêtre catholique et d’une religieuse. Pourquoi le préciser ? Parce que la Roumanie est un pays orthodoxe, pays dans lequel se déroule le film.
Or, le 1ᵉʳ décembre 1948, la Roumanie, qui avait basculé dans la dictature, a interdit le catholicisme. Toutes les églises ont été confisquées par l’État et les religieux catholiques ont été emprisonnés.
Pourquoi ? Tout d’abord, la dictature communiste s’accommode très mal avec la religion, mais il y a une raison plus géopolitique. Les églises catholiques répondent de leurs actes au Vatican, donc un État étranger. Les églises protestantes n’ont pas de clergé en dehors de leurs propres paroisses. Quant aux orthodoxes, courant religieux ultra-majoritaire en Roumanie, même aujourd’hui, chaque pays a son propre clergé et dans certains cas, en a même deux.
Il est possible que les scénaristes n’aient pas fait attention à ce petit détail, qui auraient pu être évité en déplaçant l’histoire en 1946 ou 1947.
Pourquoi 1952 ?
Il y a une théorie assez séduisante, qui expliquerait pourquoi la date 1952 a été choisie par les scénaristes. Il s’agit de l’année durant laquelle Ed et Lorraine Warren ont fondé la New England Society for Psychic Research.
Elle n’est pas confirmée, mais, elle paraît assez crédible, dans la mesure où les créateurs ont voulu créer tout un univers autour de Conjuring et on pourrait presque l’interpréter comme un oeuf de Pâques à l’intention de très grands fans de la franchise.
Précision géographique indéniable
Sachez que l’abbaye de Saint-Carta existe pour de vrai. Elle ne ressemble pas à celle que vous voyez dans le film, et pour cause, c’est une ruine. Finesse du détail : c’était effectivement une abbaye cistercienne, placée sous le patronage de la Vierge Marie. Quel rapport ? Les courants cisterciens font vœux de silence, tout comme les sœurs dans le film, qui se taisent de la tombée de la nuit à la levée du jour et se placent sous la protection de la Vierge Marie.
Elle se trouve en Transylvanie, dans les Carpates. Cette partie de la Roumanie a plus ou moins été volée aux Hongrois. Si vous demandez à un Hongrois, il vous dira qu’on leur a volé la Transylvanie et si vous posez la même question à un Roumain, il vous dira que cette terre a toujours été roumaine. Si vous voulez mettre de l’ambiance dans un dîner mondain entre un Roumain et un Hongrois, vous savez ce qu’il vous reste à faire.
Mais, le point qui nous intéresse est surtout que cette partie de la Roumanie a une forte communauté catholique, issue de la minorité hongroise et en regardant la carte des implantations des églises catholiques actuelles en Roumanie, on constate que le film est raccord avec la réalité. Précisons aussi que les quelques phrases en roumain prononcés dans le film sont correctes, tout comme les accents et pour cause : une bonne partie de l’équipe de tournage est roumaine, le film a été en grande partie tourné en Roumanie. L’une des actrices, interprétant sœur Oana voulait justement devenir religieuse.
Il n’y a pas forcément eu besoin de beaucoup de décors pour la scène du village lorsque la sœur Irene et le père Burke arrivent. Certains villages ressemblent encore à cela, avec des routes qui n’en sont pas et des charrettes à cheval.
Frenchy : un lien très éloigné des époux Warren
Tout comme Annabelle, la nonne doit être considérée comme un spin-off des dossiers Warren. Le vrai Maurice Thériault était un fils de fermiers canadiens, qui parlait français. Il apparaît dans les dossiers des époux Warren parce qu’il a été victime d’une possession démoniaque.
Mais, à notre connaissance, il n’a jamais rencontré de nonne démoniaque et n’a jamais été en Roumanie. Il n’a même jamais fait la Seconde Guerre mondiale : en 1985, il avait 51 ans, ce qui donne une date de naissance autour de 1934.
Quant à sa possession, il est probable qu’elle ait été largement inventée. Il a souffert de violences intrafamiliales de la part de son père qui le battait et d’après les notes des époux Warren, le père pratiquait la zoophilie et a obligé son fils à y participer.
À l’âge adulte, Maurice a reproduit les mauvais traitements qu’il avait subi. Il battait ses enfants et en 1991, sa belle-fille signala des violences sexuelles. Elle fut découragée de porter plainte par le procureur de l’époque, ne souhaitant pas plaider une affaire d’aliénation mentale en lien avec une possession démoniaque. C’est finalement lui qui a mis fin à ses jours, en se tirant une balle dans la bouche, avec un fusil de chasse de calibre 12, après avoir tenté de tuer sa conjointe.
Une grande finesse dans la terreur
En toute objectivité, la nonne est le meilleur volet des Conjuring et pas uniquement parce que cela se déroule en Roumanie. La nonne est tout simplement terrifiante, même quand on a vu dix fois le film. On sait que ce n’est que du maquillage et des effets spéciaux, mais on n’a qu’une envie : allumer toutes les lumières. On sursaute au moindre bruit bizarre. La musique est suffisamment lancinante pour accentuer la peur que l’on ressent.
Ce qui amplifie cette angoisse vient de l’isolement : l’abbaye est éloignée de tout et les sœurs sont toutes seules, quelque part dans la campagne roumaine. Au cas où vous vous poseriez la question : oui, la campagne roumaine au pied des Carpates est assez traumatisante durant la nuit, surtout quand on est un rat des villes.
On salue le tour de force des scénaristes d’avoir trouvé un démon qui n’est indexé que dans un obscur document de la Renaissance – Valak – qui ne se trouve même pas dans le dictionnaire du Diable, qui est pourtant un pavé de plus de 10 000 pages.
Même si vous n’avez aucun sentiment religieux, vous en viendrez à faire une prière à la Vierge Marie pour qu’elle sauve votre âme d’un des monstres les plus terrifiants de cette décennie. Faut-il regarder la nonne ? Oui, même si vous avez déjà vu quelques films d’horreur, parce que celui-ci est superbement réalisé. Vous pouvez le voir sur la plateforme Max, mais, si vous avez un vrai coup de cœur pour ce film, achetez le DVD, ne serait-ce que pour profiter du bonus.